Ollie Barker Jones
Ollie Barker Jones

«Un De Profundis pour la gauche. Huit thèses sur l’effondrement de la gauche» a suscité de nombreuses réactions sur le site lusophone Passa Palavra. Je n’ai traduit ici qu’une partie du débat en me concentrant sur les interventions de João Bernardo en réponse aux critiques ou aux questions des internautes. Les échanges sont présentés par ordre chronologique puisqu’ils suivent également«l’actualité» du 3 mars au 30 mars 2022, tout en faisant référence aux positions de João Bernardo exposées dans son texte. Donc, si vous êtes arrivés sur ce débat avant d’avoir lu son article, peut-être devriez-vous commencer par cela.

Y.C., Ni patrie ni frontières.

Paulo (8 mars): Nous pouvons certes discuter des mouvements des déserteurs et des rebelles durant la première guerre mondiale, et ce en dehors des idéologies. Mais les deux échecs les plus importants ne sont-ils pas ceux de la Deuxième Internationale (on peut aussi y inclure les anarchistes) face à la Première Guerre mondiale, et celui de la révolution allemande qui ont sapé toutes les possibilités dès le départ ?

 

João Bernardo (10 mars) : La Deuxième Internationale n’était pas homogène, et, s’il existait une faction partisane du développement capitaliste, voire une aile qui rejoindra plus tard les partis et mouvements fascistes, une autre faction, très considérable, combattait le capitalisme, mais également la dictature du parti bolchevik sur la classe ouvrière. Le léninisme a attaqué cette aile gauche de la Deuxième Internationale avec une violence encore plus grande que celle exercée contre l’aile droite, et il a ainsi contribué à rapprocher du réformisme une grande partie des ouvriers anticapitalistes.

Nous devons analyser dans cette optiquele processus révolutionnaire européen qui s’est développé au cours de la Première Guerre mondiale. Outre lesdonnées que j’ai très brièvement indiquées dans les thèses n°3 et 4(de«De Profundis. Huit thèses sur l’effondrement de la gauche»), il faut rappeler que, en France les élections d’avril et mai 1914, deux mois à peine avant le début du conflit, avaient donné une nette majorité aux forces politiques opposées à la prolongation du service militaire et favorables à une conciliation avec l’Allemagne. La prolongation de la conscription avait été au centre de la campagne électoralepuisque l’État préparait un massacre que l’on pressentait imminent. Jamais auparavant, les socialistes français n’avaient obtenu un vote aussi important.

De même, au Royaume-Uni, l’enthousiasme populaire pour la guerre n’était guère visible. En Italie, en prévision des affrontements sur les champs de bataille, les ouvriers déclenchèrent en juin 1914 l’immense mouvement antimilitariste dont j’ai parlé dans la troisième thèse. De leur côté, en Allemagne, les grèves spontanées, organisées en dehors de l’appareil social-démocrate, étaient devenues de plus en plus fréquentes et étendues dans les années précédant la première guerre mondiale, ce qui indique la perte d’influence des dirigeants socialistes et syndicaux qui allaient bientôt opter pour le camp patriotique. La défaite de tout ce mouvement révolutionnaire dans les années qui suivirent la fin de la première guerre mondialeest due à plusieurs causes, mais l’une d’entre elles est sans aucun doute la transformation de la Russie socialiste en patrie socialiste.

Caio (9 mars) : Tu as toujours traité l’URSS et les autres pays du«bloc socialiste» comme un phénomène différent, ce qui me semble logique : il s’agissait de régimes capitalistes d’État issus d’une tradition révolutionnaire mais pas toujours de révolutions, puisque certainsnaquirent d’une annexion militaire. Si, à certains moments de l’histoire, comme dans le cas du national-bolchevisme, du Cambodge ou de la Corée du Nord, le soi-disant«socialisme» a franchi une ligne… rouge et est entré plus clairement dans la zone indistincte du fascisme, il est toujours adéquat de traiter le stalinisme historique commeun phénomène différent

Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Sans l’URSS, sans le«socialisme réel», sans la guerre froide, qui, àgauche,se revendique encore de ces régimes ? Dans la pratique, la position des«néo-staliniens» et autres – la «gauche géopolitique», disons – n’est-elle pas définitivement devenue encore une autre voie dans les labyrinthes du fascisme ?Ou est-ce qu’à certains moments, ou sur certaines questions (la guerre en Ukraine étant un exemple évident), ces secteurs politiques deviennent indiscernables du fascisme ?(Ce qui a aussi son sens, puisque le fascisme opère précisément en maintenant cette zone de confusion et aurait donc besoin de maintenir une zone de circulation avec la gauche.)

João Bernardo (10 mars) : Le national-bolchevisme, au sens large que j’utilise dans mon livreLabirintos dofascismo [1],est un champ de convergence, ou de croisement, entre l’extrême droite et l’extrême gauche, indispensable à la gestation du fascisme. Mais tant que ce champ demeure, le fascisme n’est pas encore formé, et il est prématuré de classer le pôle nationaliste ou le pôle socialiste comme fascistes.

Dans le régime de Poutine, cependant, il n’y a pas de pôle socialiste, puisque le Parti communiste de la Fédération de Russie a abandonné le marxisme pour adopter exclusivement le nationalisme. Si l’on suit le modèle de définition du régime fasciste proposé dans Labirintos dofascismo, dans lequel un axe réunissant le parti, les syndicats et les milices croise un autre axe réunissant l’Église et l’armée, il me semble que le régime de Poutine doit se classer parmi les fascismes. Peut-être un fascisme conservateur, comme celui de Salazar. Quant au soutien qu’une certaine gauche apporte au régime de Poutine, l’invasion de l’Ukraine la place encore plus clairement dans le camp du fascisme.

JoãoBernardo (13 mars) : Les dogmes actuels de la gauche remontent à la première guerre mondiale, lorsque deux blocs clairement impérialistes, l’Entente et les puissances centrales [2], s’affrontaient dans un conflit entre impérialismes. Aujourd’hui, nous avons l’Ukraine, à laquelle l’OTAN a vaguement promis l’adhésion, en la reportant indéfiniment, et une sous-puissance impérialiste, la Russie, qui a envahi, sans provocation immédiate, un pays voisin. Le gouvernement ukrainien actuel n’est pas directement influencé par les groupes fascistes. D’autre part, le régime de Poutine est non seulement influencé par le fascisme, mais est tendanciellement fasciste. Présenter l’invasion de l’Ukraine comme un conflit entre la Grande Russie et l’OTAN revient à accepter la démagogie de Poutine. L’invasion de l’Ukraine est tout simplement une agression russe. Et les milices étrangères dont le gouvernement ukrainien a souhaité la formation trouvent leur réplique dans les milices syriennes et tchétchènes, ainsi que dans les milices Wagner, mobilisées par Poutine. Nous avons un agresseur, le gouvernement russe, et une victime, le peuple ukrainien. Il faut penser à ce que sera la solidarité de classe au cours d’une guerre moderne, dans ce contexte,et nous ne puiserons pas la réponse dans les livres.

En Russie, les manifestations anti-guerre ont déjà conduit à l’arrestation de plus de 14 000 personnes dans 112 villes. Elles nous montrent le chemin.

PS: en écrivant «Le gouvernement ukrainien actuel n’est pas sous l’influence directe de groupes fascistes», j’ai utilisé le présent et fait référence au gouvernement ukrainien actuel, et non à des gouvernements existant à des dates antérieures. Le fait que le président Zelenskyait comme chef de cabinet l’avocat d’un multimillionnaire qui soutient à son tour des groupes néonazis est trop indirect pour être considéré comme une«influence directe». Quant à un défilé fasciste organisé dans les rues de la capitale, je ne pense pas qu’il y ait un seul pays de l’Union européenne où les fascistes n’organisent pas des défilés politiques. Cela fait partie de la prétendue démocratie politique.

Les partisans, avoués ou voilés, du régime de Poutine cherchent à nous faire oublier un fait fondamental : l’armée ukrainienne n’a pas envahi la Russie, mais l’armée russe a envahi l’Ukraine.

Paulo Henrique (14 mars) : Dans un article intitulé«Pour l’avènement d’un monde multipolaire il vaudrait mieux que la Russie gagne la guerre», un membre bien connu [3] d’un parti de gauche et ancien candidat au poste de gouverneur de l’État de São Paulo a écrit sur la guerre actuelle en Ukraine : «La neutralité de l’Ukraine et la fin des sanctions contre la Russie signifient un recul significatif de cette offensive impériale. Cela permet l’existence d’un contrepoids solide à l’unilatéralisme de la Maison Blanche. D’autre part, la défaite russe impliquerait l’augmentation effrénée de la puissance américaine, l’annulation de l’Union européenne en tant qu’acteur politique significatif et la prédominance de la droite et de l’extrême droite qui exercent un poids réel dans les conflits internes de chaque pays.[…]la guerre doit être analysée dans sa perspective la plus générale. […]Une superpuissance unique soumet le système international à la perspective de la domination, sans aucune place pour la moindre autonomie ou des négociations potentiellement démocratiques.Dans une vision réaliste de la construction d’un monde d’équilibre multilatéral, il vaudrait mieux que Moscou gagne la guerre.»

La gauche justifie ouvertement la guerre au nom d’un changement du cadre géopolitique entre les différents États capitalistes. Ce qui est intéressant dans ce texte, c’est que l’auteur [Gilberto Maringoni] a dit ouvertement ce qu’il pensait, et avec lui une grande partie de la gauche, dont beaucoup n’ont pas le courage de s’exprimer ouvertement.

João Bernardo (14 mars) : La gauche – et pas seulement au Brésil – a absolument besoin des États-Unis. Tout ce qui arrive de mal dans ce monde est imputé à l’impérialisme; l’impérialisme a cessé d’être compris comme un mouvement dynamique du Capitalet il est désormais identifié à un pays, voire parfois même à une race, les Yankees. La gauche a une excuse parfaite pour ne pas analyser les contradictions de la société et en particulier celles des élites autochtones, et leur incapacité à lutter au sein de ces contradictions. L’impérialisme américain est l’alibi dont la gauche a besoin pour se trouver un alibi.

Cette attitude la conduit à abandonner la lutte des classes au profit de la géopolitique. La gauche a adopté ce qui était le thème générateur des fascismes, l’affrontement entre les«nations prolétaires» et les «nations ploutocratiques».Poutine est ainsi considéré aujourd’hui comme le champion des«nations prolétaires».

Ironiquement, Poutine adopte également un modèle géopolitique pour justifier son propre impérialisme. L’idéologue fasciste Alexandre Douguine [4], très influent dans le cercle dirigeant qui entoure Poutine, défend la notion d’une Eurasie dirigée par la Russie, et de fait, les idées de Douguine trouvent un écho auprès des principaux commentateurs politiques chinois, notamment après la série de conférences qu’il a données à Pékin en 2018.

La géopolitique est une manière simpliste, voire réductrice, de comprendre les affrontements entre impérialismes, parce qu’elle réduit la dynamique du Capital à la définition statique d’espaces. Les luttes sociales, quant à elles, permettent de comprendre l’économie dans son dynamisme. Mais malheureusement, il est naïf, dans les circonstances actuelles, d’affirmer que les travailleurs de part et d’autre des lignes de front devraient laisser tomber leurs armes et s’embrasser. Les guerres se produisent précisément parce que les travailleurs n’ont pas réussi à les prévenir. Où est donc la lutte sociale dans cette guerre ?

Dans l’invasion actuelle de l’Ukraine par les troupes russes, la lutte sociale se situe à deux endroits.

Elle implique d’abord les 2,8 millions d’Ukrainiens qui, selon les chiffres fournis par l’ONU aujourd’hui, ont fui leur pays. Le prétexte idéologique que Poutine fournit pour l’invasion, et que beaucoup de gens à gauche adoptent et répètent, est que les troupes russes seraient venues pour libérer l’Ukraine des cliques néo-nazies. Mais les Ukrainiens ont fait preuve d’une résistance tenace à l’idée d’être«libérés». Ces 2,8 millions d’hommes et de femmes constituent le déni le plus flagrant des justifications avancées par Poutine et ses partisans de ce qu’on appelle encore la gauche.

La lutte sociale se déroule également au sein de la Fédération de Russie, parmi ceux qui manifestent contre la guerre. Samedi 12 mars, deux personnes, une femme et un homme, ont été arrêtées lors de manifestations dans deux villes différentes pour avoir porté des pancartes vierges. En 1918, Kazimir Malevitch a peint un carré blanc sur un fond blanc dans l’un de ses tableaux les plus célèbres, qui a marqué une percée dans la modernité artistique. Depuis lors, la couleur blanche n’a jamais été aussi éloquente que dans ces deux affiches. Ceux qui savent les lire comprendront la lutte sociale.

Caio (15 mars) : Merci pour ta réponse précédente, je comprendsmieuxton point de vue.

Outre les deux expressions de la lutte sociale que tu as identifiées (la fuite de millions de personnes hors d’Ukraine et le mouvement anti-guerre en Russie), penses-tu qu’il y a de la place pour la lutte sociale également à l’intérieur de l’Ukraine elle-même, dans les territoires en conflit ? Après tout, les millions de réfugiés sont toujours une minorité dans la population totale […]. Face à une invasion, parler de«résistance» signifie s’engager dans le combat… Ou penses-tuque ce genre de position finit par ajouter à la dynamique destructrice de la guerre elle-même, sans vraiment représenter une opposition au processus lui-même ? Et crois-tu que la luttesociale ne serait pas exactement dans la«résistance», mais plutôt dans une opposition à la guerre dans son ensemble ?

João Bernardo : En rédigeant mon précédent commentaire, j’ai hésité devant la question que tu soulevais, et j’ai fini par l’esquiver, parce qu’elle demanderait d’ajouter trop de nuances et aussi parce que nous manquons d’informations fiables. Mais je vais essayer de répondre au moins sur un point.

La gauche fossilisée qui, au moins en paroles, reste anticapitaliste, s’accroche à des solutions d’autres temps et d’autres circonstances. Dans une confrontation entre impérialismes, comme durant la Première Guerre mondiale, la position révolutionnaire était très claire: il fallait déposer les armes et fraterniser avec les soldats du camp adverse. C’est ce qui s’est passé pratiquement dès le début du conflit, mais surtout lors des grands soulèvements de 1917 et 1918, comme je l’ai brièvement évoqué dans les 3e et 4e thèses de mon article. Mais aujourd’hui, il ne s’agit pas d’une confrontation entre impérialismes. Nous avons affaire à une puissance attaquante, la Fédération de Russie, ou plutôt deux, car il faut inclure le Belarus, et un pays attaqué et envahi, l’Ukraine.

Selon les défenseurs de l’invasion russe, l’Ukraine voulait adhérer à l’OTAN. Cependant, l’OTAN elle-même n’avait aucune intention d’admettre une telle adhésion, ni à court ni à moyen terme, et la déclaration d’intention était principalement destinée à des fins de propagande politique. En tout cas, du côté ukrainien, la position de la gauche devrait être de refuser toute forme d’intégration organique dans l’OTAN. […]

Cependant, une fois l’invasion russe commencée, pour qu’il y ait un«défaitisme révolutionnaire» sur le modèle de la Première Guerre mondiale, il faudrait que les soldats des deux camps soient volontaires. Comme je l’ai écrit,«dans les circonstances actuelles, il est naïf de dire que les travailleurs de part et d’autre des lignes de front devraient laisser tomber leurs armes et s’embrasser. Les guerres se produisent précisément parce que les travailleurs n’ont pas réussi à les prévenir

Voyons donc ce qui se passe d’un côté et de l’autre.

En Ukraine, dans les premiers jours, il semble – je souligne «il semble», car les informations sont rares – que l’armée d’invasion a seulement rencontré la résistance de l’armée ukrainienne et des milices des groupes fascistes, qui avaient uncertain entraînement et disposaient d’armes. C’est ce que The Economist du 26 février, en évoquant la situation à Kiev, décrivait pudiquement comme«dessacs de sable protégeant l’entrée des bureaux d’une formation politique qui dispose de sa propre milice affiliée aux forces de sécurité». Il ne fait aucun doute qu’une formation politique qui dispose de sa propre milice et est affiliée aux forces de sécurité est nécessairement une formation fasciste.

Mais il me semble – encore une foisil me semble– que la situation a beaucoup changé les jours suivants, surtout après que le gouvernement eut distribué des armes à la population. C’est alors que les«libérateurs» russes ont commencé à rencontrer une résistance généralisée à la «libération», et que les plans de Poutine ont montré leur fragilité. La preuve la plus irréfutable qu’il s’agit maintenant d’une véritable résistance populaire, qui ne se limite en aucun cas aux milices fascistes, est que dans les villes occupées par les Russes, on a assisté à de grandes manifestations de mécontentement et de désobéissance à l’envahisseur.

De plus, quand on voit ce que fait l’armée russe en assiégeant les villes, en leur coupant l’électricité, l’eau et les vivres, on comprend que Poutine démontre à la population ukrainienne qu’il veut la « libérer des néo-nazis»par la faim, la soif et le froid. Face à une telle propagande, il sera difficile aux Ukrainiens d’ouvrir les bras pour accueillir les envahisseurs.

Quel effet cette résistance populaire pourrait-elle avoir sur les troupes d’invasion ? Des informations sur le moral assez bas de l’armée russe sont apparues assez fréquemment, mais s’agit-il d’une propagande du gouvernement ukrainien ? Ou de propagande tout court? Je ne serais pas surpris que les soldats, à qui Poutine avait promis qu’ils seraient accueillis à bras ouverts et qui ont finalement été accueillis par des balles et des insultes, commencent à être démoralisés. Le problème est que, derrière eux, se tient le gouvernement russe, autoritaire et apparemment sans fissures.

C’est précisément ici que le mouvement anti-guerre, de plus en plus répandu dans la Fédération de Russie, prend toute son importance. […]Impossible aujourd’hui de ne pas citer le nom de Marina Ovsyannikova, qui a interrompu hier soir le journal télévisé le plus regardé, sur la chaîne la plus écoutée de la télévision russe, pour déployer une pancarte contre la guerre et la censure. Elle a été arrêtée, bien sûr, pour une infraction qui, selon la nouvelle législation, peut entraîner une peine de quinze ans de prison.

Et qu’y a-t-il d’autre au-delà, qu’est-ce qui peut encore être transmis par les réseaux sociaux, qu’est-ce qui se dit de bouche à oreille ? Nous ne le savons pas. Mais je sais, parce que je suis né et que j’ai vécu dans un régime fasciste[le Portugal], que pour chaque personne qui se mobilise, beaucoup d’autres voudraient se mobiliser et apportent un soutien qui peut être silencieux mais est quand même important.

Aujourd’hui, la fuite massive des Ukrainiens, que la population russe va progressivement découvrir, démontre aussi qu’ils ne veulent pas être«libérés» par Poutine. Plus de 3 millions de réfugiés (selon les chiffres fournis aujourd’hui par l’ONU) représentent plus de 7,3% d’une population de 41 millions d’habitants, mais il ne faut pas mesurer cet exode par de simples pourcentages. Des familles se disloquent, des amis se séparent, une force de travail se dissout, des études s’interrompent – l’effet multiplicateur est colossal.

A la fin, qu’aurons-nous en dehors des morts ? Des villes piégées, des infrastructures détruites, une économie ruinée. Une gauche qui est capable de justifier sa positionen affirmant que le fasciste Poutine se bat contre les fascistes ukrainiens, ou que l’impérialiste Poutine se bat contre l’impérialisme américain, est une gauche qui se complaît dans l’abjection.

Y a-t-il encore de l’espoir ? Sans aucun doute. Là où l’on observe des contradictions, on a des raisons d’espérer. Dans les pays occidentaux, le sentiment général de la population est hostile à la guerre, et les organisations de gauche qui dépendent du vote populaire y réfléchissent à deux fois avant de prendre position. Les syndicats, par exemple, dépendent des votes des travailleurs, bien que le taux de syndicalisation diminue de plus en plus, notamment en Europe. Mais il est difficile de considérer comme des organisations de classe, ou mêmesimplement de gauche, les entreprises capitalistes qui gèrent des fonds de pension, qui ne se distinguent des autres entreprises que par le fait que leurs gestionnaires [syndicaux[5]] sont élus. Quant aux partis ayant des ambitions parlementaires, et qui dépendent donc du sentiment populaire, au Portugal, par exemple, le Bloque de Esquerda [6] est désormais clairement opposé à l’invasion. Quant au Parti communiste portugais, dans les premiers jours, son secrétaire général a répété l’argumentation de Poutine et déclaré à plusieurs reprises que la Russie ne faisait que se défendre contre l’agressivité de l’OTAN. Mais le malaise de la base était visible, notamment lorsque certains conseillers municipaux communistes ont manifesté contre l’invasion. Le Parti communiste a opérél’un de ses habituels virages à cent quatre-vingts degrés et prône désormais la paix et la fin de la guerre. Mais cela ne se produit certainement pas sans de grandes tensions internes, car lors de la réunion du Conseil d’État [7] d’hier, on a noté l’absence du représentant du Parti communiste,une vieille figure des temps héroïques, tiraillée entre l’impossibilité de prendre une position contraire à la ligne officielle actuelle et ses convictions personnelles pro-russes profondément ancrées. Dans le reste de l’Europe, les partis communistes sont moins importants qu’au Portugal ou n’existent pas du tout. Les seuls petits groupes qui subsistent sont fortement idéologiques et se présentent comme des partis d’extrême gauche. C’est parmi eux que le passage de la lutte sociale à la lutte géopolitique est le plus consolidé.

João Bernardo (16 mars) : Dans le journal El Paísd’aujourd’hui, j’ai lu un article intitulé Les anarchistes ukrainiens prennent les armes contre l’invasion russe, qui illustre et complète moncommentaire précédent. Je reproduis ci-dessous les passages les plus importants.

«Vilka et Step[les pseudonymes de deux jeunes militants ukrainiens] reçoivent EL PAÍS dans une salle de conférence dans la province de Lviv, dans la région d’Ukraine limitrophe de la Pologne. […]Vilka et Stepont reçu une livraison de trois collègues polonais. Une camionnette vient de passer la frontière chargée de caisses contenant principalement des médicaments, du matériel chirurgical et des équipements pare-balles.

Il y a aussi des générateurs électriques, des canons à essence, des magasins[…]. Ce sont des marchandises achetées par des collectifs anarchistes en Pologne, en Allemagne et aux Pays-Bas et destinées au Comité de résistance, le bataillon formé par des militants anarchistes, anti-autoritaires et antifascistes. Le Comité de résistance fait partie des Unités de défense territoriale, la milice formée par des civils parrainés par l’armée ukrainienne. La plupart des unités de défense sont organisées selon un critère géographique : par village, par quartier, voire par rue dans les plus grandesvilles.Bien que la plupart de ceux qui forment les unités ne partagent pas l’idéologie de Vilka et Step, ils estiment que l’auto-organisation et l’autonomie par lesquelles la milice est régie vont comme un gant à leurs idées anarchistes. «L’idée des anarchistes engagés dans la lutte armée est qu’ils ne se battent pas pour l’État ukrainien mais pour le peuple ukrainien», explique Vilka.

«Depuis 2014, les mouvements d’extrême droite ont pu profiter de la guerre dans les provinces de Lougansk et de Donetsk pour accroître leur pouvoir et leur influence. Le bataillon Azov, formé par des néonazis sous la forme d’une milice, est désormais un régiment intégré à l’armée régulière qui continue à utiliser la symbolique nazie. Toutefois, Vilka et Step estiment que, contrairement à 2014, lors de la guerre de 2022, le nombre de personnes ayant pris les armes dans les unités de défense territoriale est si important que l’influence des groupes d’extrême droite s’est diluée. Ils existent toujours, mais leur influence est moindre, selon M. Vilka. C’est une idée partagée par d’autres femmes soldats interrogées par El Pais dans des reportages précédents. L’existence de milices d’extrême droite est utilisée par la Russie pour décrire toutes les unités militaires ukrainiennes comme nazies. Step considère que Vladimir Poutine fait un usage tordu de l’antifascisme. «Ce sont de faux antifascistes qui emprisonnent les vrais antifascistes dans leur pays. En Russie, une répression féroce frappe toute opposition, égalementles anarchistes. Beaucoup de nos amis sont en prison et de nombreux Russes s’étaient réfugiés en Ukraine pour échapper au régime de Poutine», dit Step.

«Maintenant, le Comité de résistance a appelé les anarchistes et les antifascistes d’autres pays à rejoindre leur lutte en Ukraine. Sur leur chaîne Telegram, ils ont rempli un formulaire pour s’inscrire et participer à leur combat dans le camp de Kiev. «Le régime actuel en Russie est similaire au fascisme et nous souffririons beaucoup plus sous ce régime homophobe, sexiste et xénophobe. De plus, notre identité nationale est également importante», proclame Vilka pour expliquer pourquoi les collectifs libertaires ont décidé de répondre à l’invasion russe par les armes

João Bernardo (20 mars) : Je lis ici et là, dans des textes anarchistes et libertaires sur l’invasion de l’Ukraine par les armées russes,«Non à la guerre et oui à la paix entre les peuples!» Ce sont de belles déclarations et, surtout, elles permettent à leurs auteursd’avoir la conscience tranquille – ce qui, dans cette société, est la pire chose qui puisse arriver.

Car tout le problème est de savoir comment mettre en pratique de si belles intentions. En 2018, j’ai écrit:«La signature du Pacte de non-agression germano-soviétique, le 23 août 1939, aggrava la division au sein de la gauche, car les communistes français, pour justifier l’attitude adoptée par leurs patrons[soviétiques], dénoncèrent les belligérants des deux camps comme impérialistes. En conséquence, le PCF futdissous le 26 septembre et nombre de ses dirigeants furent arrêtés, ce qui contribua encore à saper dans la classe ouvrière française toute volonté de lutter contre le Reich. Afin de replacer l’action des communistes dans le bon contexte, il ne faut pas oublier que la guerre en était déjà à son dixième jour lorsque l’anarchiste Louis Lecoin rédigea une pétition intitulée “Paix immédiate”, dont cent mille exemplaires furent distribués et dans laquelle il demandait aux armées belligérantes de déposer les armes. Mais comme ce vœu pieux ne pouvait avoir de lecteurs que du côté français, il équivalait à une incitation à la progression des troupes allemandes. Les barrières, apparemment si solides, qui avaient séparé la droite et la gauche et qui avaient jusqu’alors limité l’audience des ligues fascistes, tombèrent. Alors que les communistes de Moscou et les fascistes de Berlinsignaient le fameux pacte, le pamphlet de Lecoin – à une échelle plus modeste, mais non moins symbolique – recueillit également, aux côtés des signatures d’autres anarchistes (comme Henry Poulaille), de la personnalité la plus éminente de l’extrême gauche socialiste (Marceau Pivert), et de quatorze syndicalistes, les signaturesd’une grande figure du fascisme (Marcel Déat) et d’une demi-douzaine de personnages proches de Gaston Bergery et de son journal La Flèche, promoteurs de la constitution d’un fascisme français. À la suite de cette initiative, Lecoin fut arrêté le 29 septembre, ce qui souligne encore la symétrie entre les actions des anarchistes et des communistes».

«Mais comme ce vœu pieux ne pouvait avoir que des lecteurs du côté français, il équivalait à une incitation à l’avancée des troupes allemandes»… Et maintenant ? Dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine, que signifie dire«Non à la guerre et paix entre les peuples» ? Les nouveaux problèmes d’aujourd’hui et de demain ne seront pas résolus par les recettes d’hier, ou pire encore, par celles d’avant-hier.

João Bernardo (21 mars) : Le dimanche 20 mars, Zelensky a suspendu les activités de onze partis politiques pour la durée de la loi martiale, au motif qu’ils étaient pro-russes. La seule organisation significative, qui avait près de 10 % des sièges au parlement, est dirigée par Viktor Medvedtchuk, un oligarque ayant des relations personnelles avec Poutine. Il s’agit, bien sûr, d’un parti qui défend activement le capitalisme et la Russie. Parmi les autres, il y a plusieurs petits partis de gauche. Je ne sais pas à quel point ils sont proches de Moscou, mais il est certain que la suspension d’hier par Zelensky a affaibli encore davantage la gauche ukrainienne.

Cette faiblesse n’est toutefois pas seulement et fondamentalement due à des manœuvres politiques, mais découle de raisons beaucoup plus profondes, qui trouvent leur origine dans l’invasion de l’armée russe. Samedi 19, un camarade ukrainien vivant à Kiev a envoyé un courriel disant que«maintenant nous n’avons plus de positionsqui soient de gauche ou de droite ici, mais plus qu’une seule position – celle qui concerne la défensenationale». Et plus loin, il insiste :«Lafrontières entre les points de vue de gauche et droite est pour l’instant assez floue.»

Il y a certes des fascistes et des néo-nazis du côté ukrainien, mais, du côté des envahisseurs, le régime de Poutine est tout entier fondé sur une extrême droite nationaliste et un mysticisme racial fasciste. Il faut également attirer l’attention sur le fait que, dans chaque guerre, le nationalisme des uns nourrit le nationalisme des autres.

Une grande puissance impérialiste envahissante fait face à un pays envahi. Et les envahisseurs, sous prétexte que les envahis sont des néo-nazis, bombardent la population et détruisent tout. C’est face à ce fait fondamental que nous devons prendre position.

 

João Bernardo (27 mars) : Un des participants au débat sur ce site prétend que l’Europe subirait l’occupation des troupes américaines depuis 1945. Savez-vous qui a affirmé cela ? Précisément les fascistes et surtout les partisans du Troisième Reich. Pour eux, les fascistes et les nazis défendaient l’Europe contre l’agression américaine, et leur défaite aurait entraîné l’occupation par les troupes américaines. Je suis né immédiatement après la guerre et je me souviens bien de la fréquence de ce discours chez de nombreux partisans de Salazar, au point qu’ils appelaient Churchill«le fossoyeur de l’Europe», parce qu’il aurait livré l’Europe aux Américains. Ce mythe généré par les nazis et les fascistes italiens est maintenant ravivé par les partisans de Poutine. Ce nouveau fascisme est plus explicite chaque jour.

 

L.:A propos de l’origine de ce discours sur«l’occupation militaire de l’Europe», j’ajouteraiqu’il ne se limitait pas, à l’origine, aux États-Unis. Il englobait également l’URSS, pendant la guerre froide. À l’époque, ceux qui voulaient expliquer la«soumission de l’Europe» recouraient à des théories du complot qui aboutissaient presque toujours à la dénonciation d’une supposée « alliance judéo-maçonnique»désireuse de soumettre les peuples européens. Ces théories sont aujourd’hui remises au goût du jour de manière plus ou moins voilée par le poutinisme et sessoutiens (voir, en ce sens, le Mouvement impérial russe, un groupe tsariste antisémite actif depuis des années en Ukraine, et dont le drapeau est partagé par le Bataillon Sparta pro-russe).

João Bernardo (27 mars) : Ceux qui, à gauche (ou dans ce que, par une terrible confusion des mots, on appelle encore la«gauche»), transfèrent la lutte sociale à la lutte géopolitique devraient réfléchir au fait que, pour l’instant, Poutine a échoué sur trois points, qui étaient pour lui fondamentaux.

  1. L’affirmation que l’Ukraine veut rejoindre l’OTAN relève de la simple démagogie à des fins de politique intérieure exclusivement. Quiconque connaît un tant soit peu la politique étrangère américaine et européenne et suit les débats actuels sait que l’OTAN n’acceptera pas l’intégration de l’Ukraine à court ou moyen terme. Par ailleurs, l’administration Obama et, plus encore, l’administration Trump ont conduit au déclin de l’OTAN, au point que l’Union européenne avait commencé à réfléchir à l’opportunité de fédérer ses forces militaires, notamment suite aux propositions de Macron. Dans ce contexte, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a augmenté la cohésion interne de l’OTAN etrenforcé ses ressources militaires dans les pays de l’Alliance limitrophes de la Russie, décisions que Poutine voulait précisément éviter.
  2. Pour justifier l’invasion russe, Poutine affirme que l’Ukraine partageavec la Russie la même culture et les mêmes traditions, ce qui est vrai. Mais l’invasion et les atrocités commises par les troupes russes signifieront, que pendant de nombreuses générations, les Ukrainiens ne ressentiront que de l’hostilité envers les Russes. Comme c’est la règle, le nationalisme d’un côté stimule le nationalisme de l’autre, surtout lorsqu’une agression militaire impérialiste est impliquée. Au lieu d’un peuple qui pourrait être ami et éventuellement allié, Poutine a réussi à créer un peuple ennemi.
  3. Son autre échec concerne l’Union européenne, qu’il a toujours essayé d’affaiblir, notamment en s’opposantà une union plus étroite et à une éventuelle fédération européenne. En ce sens, Poutine a soutenu politiquement et financièrement des partis souverainistes et hostiles à l’Union européenne, qu’ils soient d’extrême gauche, d’extrême droite ou même fascistes, comme c’est le cas aux Pays-Bas avec le Forum pour la démocratie (Forum voorDemocratie); en France avec le parti de Marine Le Pen (Rassemblement national) et même le mouvement politique autour d’Éric Zemmour; en Italie avec la Lega Nord de Matteo Salvini; et en Allemagne avec Alternative fürDeutschland. En Hongrie, la proximité entre Poutine et le Premier ministre Viktor Orbán, un populiste de l’extrême droite la plus autoritaire, est notoire. Poutine a été le principal financier de l’extrêmedroite et du fascisme européens. Toutefois, l’unanimité pratique avec laquelle les citoyens de l’Union européenne ont réagi à l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait que, à l’exception du Forum pour la démocratie, ces partis ont pris publiquement leurs distances par rapport à l’impérialisme militaire russe. Pire encore pour Poutine, la Hongrie et les autres pays du groupe de Visegrád (République tchèque, Slovaquie et Pologne), les plus sceptiques au sein de l’Union européenne, se sont retrouvés obligés de s’appuyer sur les autres pays de l’Union, non seulement en raison de la menace militaire russe, mais aussi pour faire face aux coûts engendrés par les millions de réfugiés de guerre.

Cependant, du point de vue des luttes sociales et dans le contexte de l’invasion actuelle de l’Ukraine, je ne veux souligner qu’une chose. Poutine a été le principal financier de l’extrême droite et du fascisme européens. En même temps, le régime russe actuel est celui dans lequel les formes classiques du fascisme apparaissent le plus clairement.

João Bernardo (30 mars) :Selon une estimation de l’ONU publiée hier, en Ukraine, le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays en raison de la guerre a atteint près de 6,5 millions. Aujourd’hui, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a annoncé que le nombre d’Ukrainiens ayant fui le pays à la suite de l’invasion russe a désormais dépassé les 4 millions, pour atteindre 4 019 287. En les additionnant, on obtient près de 10,5 millions de personnes déplacées. Étant donné que, en janvier de cette année, la population de l’Ukraine, hors Crimée, était estimée à 41 millions de personnes, cela signifie que 25 % de la population du pays a fui l’armée russe. Dans ces conditions, en plus de tout le reste, comment des personnes de gauche, voire d’extrême gauche,peuvent-elles encore justifier la belligérance de Poutine ? Chaque jour qui passe, l’effondrement de la gauche devient plus évident.

Notes

[1] Labirintos do fascismo (1481 pages) est disponible en ligne, mais une nouvelle édition papier portugaise sera prochainement disponible (NdT).

[2] On appelle«puissances centrales» l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie qui s’allièrent à l’Italie pour former la Triple Alliance au XIXe siècle. En 1914, l’Italie changea de camp mais, pendant la première guerre mondiale, les puissances centrales furent rejointes par le royaume de Bulgarie et l’empire ottoman. Les pays formant l’Entente regroupaient la France, le Royaume uni et la Russie tsariste (NdT).

[3] Il s’agit de Gilberto Maringoni. Né en 1958, cet universitaire, fervent soutien du colonel Chavez, a été l’un des dirigeants du Parti des travailleurs dans lequel il a milité entre 1988 et 2005 avant de rejoindre le PSOL dont il fait partie de la direction nationale. Le PSOL est une scission du Parti des travailleurs qui a actuellement 10 députés, 2 maires et 53 conseillers municipaux. Marielle Franco, conseillère municipale transgenre assassinée en 2018, appartenait au PSOL. Ce parti se présente comme féministe, défend les droits des LGBTQIA+, etc. Il comporte plusieurs tendances dont une est affiliée à la Quatrième Internationale à laquelle appartient aussi le NPA en France. Il faut cependant indiquer que plusieurs députés du PSOL ont dénoncé l’invasion russe de l’Ukraine et le régime de Poutine. Selon un des participants du débat sur le sitePassa Palavra, la position de Maringoni serait minoritaire dans la gauche et l’extrême gauche brésiliennes, comme en témoigneraient les slogans des manifestations et les positions de syndicats comme la CUT(Centre unique des travailleurs), l’Intersindical et la Centrale syndicale et populaire Conlutas. Par contre, les médias de gauche ou dits«progressistes» seraient plutôt pro-Poutine (NdT).

[4] Douguine (né en 1962) a une longue carrière :

– d’essayiste d’extrême droite (influencé par Guénon, Evola, Jünger et Heidegger);

– d’homme des médias (il est rédacteur en chef de Tsargrad TV, station financée par un capitaliste proche de Poutine, Konstantin Malofeev. Ce dernier, entre autres, a prêté de l’argent au FN/RN et subventionné les séparatistes dans le Donbass) ;

– d’organisateur politique (Part national-bolchévique, Front national-bolchévique et Parti Eurasie);

– et de conseiller du pouvoir (auprès du président de la Douma d’Etat et de Russie Unie, le parti de Poutine, créé en 2001, et qui détient l’immense majorité des sièges au Parlement).

Ses idées ont été introduites en France notamment par le néonazi avoué Alain Soral et par le fasciste et raciste honteux Alain de Benoist. Pour plus de détails in pourra lire les articles de Marlène Laruelle, «Alexandre Dugin : esquisse d’un eurasisme d’extrême-droite en Russie post-soviétique», Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 32, 2001, n°3 (site persee.fr/) ; et de Stéphane François et Olivier Schmitt «LE CONSPIRATIONNISME DANS LA RUSSIE CONTEMPORAINE», Diogène,  2015/1 n° 249-250 (site cairn.info), NdT.

[5] Sur le rôle et la fonction des syndicats dans le capitalisme moderne, JoãoBernardo a écrit deux livres : Capital, Sindicatos, Gestores (1987)  et  Capitalismo Sindical (encollaborationavec Luciano Pereira) (2008), qui tousdeuxfournissent de nombreux exemples concrets, NdT.

[6] Parti résultant de la fusion de courants maoïstes, trotskystes et ex-staliniens en 1999. Favorable à la sortie de l’euro et de l’OTAN, il défend des positions réformistes de gauche et a 7 députés et 254 conseillers municipaux (NdT).

[7] Organe qui permet, entre autres, au président de la République  portugaise de consulter les dirigeants des grands partis représentés au Parlement (NdT).

La photographie est de Ollie Barker Jones.

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