Par Rita Delgado et João Bernardo

TEXTO EM PORTUGUÊS

Contrairement à certains fascismes qui toléraient le libertinage ou la promiscuité sexuelle, en particulier le national-socialisme allemand, le fascisme portugais était un régime de culs-bénis et de puritains qui imposaient partout une stricte division entre les sexes. En métropole, il y avait des lycées masculins et des lycées féminins, mais pas dans les colonies, et même si, durant les deux dernières années de lycée, à cause de la pénurie de locaux, les classes étaient mixtes, pendant les récréations, les cours étaient généralement séparées. Les universités étaient mixtes, mais le fascisme y avait créé, au moins dans certaines d’entre elles, des «salles d’étudiantes», parce que, selon l’idéologie officielle du régime, les jeunes filles devaient pouvoir se réunir entre elles, dans des lieux séparés, en l’absence des garçons [1] . C’est pourquoi les élèves masculins n’avaient pas le droit d’entrer dans les «salles d’étudiantes». Loin de contribuer à une quelconque émancipation féminine, ces espaces réservés constituaient une partie constitutive du puritanisme salazariste. De plus, en raison de la division qu’elles créaient entre les jeunes des deux sexes, elles contribuaient à l’affaiblissement d’une prise de conscience collective.

1962, quelques militantes étudiantes à la Cité universitaire de Lisbonne.

 

Les «sections de convivialité»

C’est dans ce contexte que les associations d’étudiants commencèrent à créer des «sections de convivialité».

Pour ceux qui ne connaissentpascette histoire compliquée, mieux vaut la résumer en quelques lignes, et en termessimples:lorsque le gouvernement Salazar décrétala fascisation des syndicats au début des années 1930, le syndicalisme universitaire y échappa parce qu’il faisait alors partie,en raison deses choix idéologiques, du mouvement dela jeunesse fasciste. Cela permitplus tard, à partir des années 1950, lorsqu’un nombre croissant d’étudiants commencèrent à prendre leurs distances vis-à-vis du régime fasciste, d’élire des opposants au sein du conseil d’administration des associations d’étudiants qui échappaient aux déterminations rigides du syndicalisme officiel. La grande grève étudiante de 1962[2] marqua la séparation définitive entre les universités et lefascisme, mais il était alors trop tard pour que le gouvernement tente de faire entrer les associations d’étudiants dans le cadre du corporatisme fasciste. Le régime persécutale Parti communiste clandestin, très dynamique dans le milieu étudiant (comme l’étaient alors les groupes clandestins d’extrême gauche), dont les militants étaient arrêtés, torturés et condamnésà des peines de prison[3]; il décida de dissoudre les associations d’étudiants de certaines universités; il engageades procédures disciplinaires contre les étudiants les plus actifs, entraînant dessuspensions et des expulsions –mais malgré tout, les associations d’étudiants continuèrent à existeret à jouir d’une autonomie juridique dans les universités. Dans leslycées, où il n’existait pas d’associations, le Parti communiste en créa aussi au début des années 60 ; mais comme le régime ne les reconnaissait pas légalement, elles vivaientdans une zone juridique diffuse, adoptant le nom de «pro-associations. Etleurs membres étaient eux aussi expulsés des établissementsscolaires et emprisonnés.

Assemblée d’étudiants à la Cité universitaire de Lisbonne, en 1962.

Au début des années 60, le Parti communiste portugais prit l’initiative de créer des «sections de convivialité» dans les associations d’étudiants. A l’époque, au sein du parti, on racontait que PedroRamos de Almeida [4] en avait eu l’idée. Ces «sections de convivialité» se débrouillaient pour avoir des salles où garçons et filles pouvaient se rencontrer et entretenir des relations sociales. Il ne s’agissait pas d’organiser des bals – le fascisme s’en chargeait déjà. Les bals étaient pratiquement la seule forme de coexistence entre jeunes des deux sexes admise par le gouvernement de Salazar, ce qui créa dans la gauche de cette époque une profonde aversion pour ce type de distractions. Les «sections de convivialité» ne pouvaient prétendre organiser des événements culturels, des débats, des conférences, des concerts ou des récitals, parce que les «sections culturelles» avaient déjà cette prérogative. Elles ne cherchaient pas non plus à faciliter les flirts et les histoires d’amour, parce que, malgré le puritanisme du régime et l’interdiction de s’embrasser en public ou même de marcher main dans la main dans la rue, les jeunes qui fréquentaient les «sections de convivialité» n’étaient pas stupides. Les «sections de convivialité» nous fournissaient simplement un espace de rencontre et de fraternisation. Nous y discutions de manière informelle, en tête à tête, ou en petits groupes ; nous avions à notre disposition un tourne-disques doté d’une sono archaïque ; nous prenions des disques ou en apportions, et ainsi les «sections de convivialité» constituèrent une structure de base pour satisfaire des besoins que les associations d’étudiants remplissaient plus largement – de sorte que, en plus d’être des filles ou des garçons réunis dans une même salle, nous devenions des êtres humains.

Alors que le fascisme organisait la division, créant des lycées séparés, des cours de récréation spécifiques et des salles d’étudiantes séparées où les jeunes filles pouvaient se réunir entre elles, sans la présence des garçons, la gauche unissait la jeunesse, en créant des «sections de convivialité», où les filles et les garçons apprenaient à surmonter les divisions culturellement construites entre les sexes et à devenir des êtres humains à part entière dans la pratique.

D’une certaine manière, le Ciné-Club universitaire servait le même objectif. À la fin des années 50, une vague de création de ciné-clubs frappa tout le pays, inspirée par le Parti communiste, vague rapidement et violemment stoppée par la PIDE (Police internationale et de défense de l’État, la police politique du fascisme salazariste). Outre le Ciné-club catholique, qui ne fut pas dissous parce que l’Église était l’un des piliers du régime, le Ciné-club universitaire survécut parce qu’il avait déjà tellement de membres que sa dissolution aurait provoqué un énorme scandale. C’était la seule institution où les étudiants et étudiantes de toutes les facultés de Lisbonne pouvaient se rencontrer, et nous nous rencontrions dans le même esprit de fraternité et de convivialité qui avait présidé à la création des «sections de convivialité» et qui inspirait plus largement les associations d’étudiants.

Nous n’étions pas en train de participer à un jeu. Au mieux, nous risquions l’interruption de nos études – et le nombre d’étudiantes et d’étudiants expulsés des facs s’éleva à plusieurs centaines. Au pire, nous risquions notre liberté – et nombreux furent les dirigeants et les militants des associations d’étudiants, filles et garçons, qui furent emprisonnés, torturés, condamnés à des années de prison. Tout cela à cause des «sections de convivialité»? Non. Tout cela parce que nous étions en quête d’un être humain intégral, pour lequel les divisions entre les sexes seraient de moins en moins un facteur pertinent.

Intervention de la «police de choc» (CRS portugais) au campus de Santana.

La cloture des «salles d’étudiantes»…

C’était à l’automne 1968 à Lisbonne. Nous apprécions la libéralisation limitée apportée par Marcelo Caetano, après que Salazar fut tombé d’une chaise et devint handicapé. Selon la devise de Salazar, «la femme [devait] être la fée du foyer, au service de son mari et de ses enfants». Avec Marcelo, peu de choses changèrent…

Mais les associations d’étudiants constituaient de rares espaces de la liberté. À cette époque, l’Association des étudiants de l’Institut technique supérieur (l’AESIT) représentait le pôle agglutinant de toute la gauche. Nous appelions cet établissement simplement le «Technique» : jouissant de la meilleure réputation, il formait les ingénieurs de tout le pays. C’est là que se réunissaient les organismes fédératifs des étudiants, qui coordonnaient l’action des associations de toutes les facultés ; ces associations n’étaient pas prévues par la loi mais pas non plus interdites, elles occupaient une zone d’ombre que nous appelions illégale. C’est également à l’AEIST que les ronéos, officiellement destinées à imprimer les polycopiés pour les étudiants, étaient à la disposition du mouvement étudiant pour imprimer ses communiqués, distribués à la sortie des classes, et pour imprimer Binomial, le bulletin de l’Association des étudiants de l’AESIT. Outre cette publication, l’Association de l’Institut technique supérieur avait réussi à avoir une cantine pour les déjeuners et les dîners, des bars, un local spécial qui diffusait durant les repas des informations et des chansons de protestation, un gymnase et une agence de voyages, sans compter des salles de réunion.

L’automne 1968 suivit les grandes révoltes étudiantes qui avaient eu lieu en France en mai et juin de cette année-là, luttes au cours desquelles les étudiants avaient joué un rôle actif aux côtés de leurs collègues et camarades. Cette information, censurée dans la presse, à la radio et à la télévision par le régime fasciste, nous parvint grâce à l’Association de l’Institut technique supérieur. Un article important («La femme dans le monde») fut publié dans le numéro 35 de Binomio, au milieu de l’année 1969. Ce texte évoquait l’émancipation des femmes, leur contrôle sur leur propre corps et l’avortement. On pouvait y lire les conseils suivants : «Organise des groupes de discussion de garçons et de filles sur la situation des femmes à l’université ; sur la répression sexuelle à laquelle nous, les jeunes, sommes soumis. Organise-toi dans la critique collective.»

Cet article ouvrit des horizons à de nombreuses étudiantes. Bien que leur nombre ait augmenté avec le boom de l’accès à l’université intervenu au milieu des années soixante, les futures ingénieures étaient encore minoritaires dans presque tous les domaines de l’ingénierie, à l’exception de la chimie où, durant les premières années du cursus, elles représentaient près de cinquante pour cent des effectifs. En 1950, l’Institut technique supérieur comptait seulement 60 étudiantes, soit 5,6 % des étudiants ; en 1960, 9,4 % du total ; et en 1970, nous étions 468 étudiantes, soit 15,3 % du total. À cette époque, les filles n’avaient pas le droit de porter des pantalons, seulement des jupes ; et les garçons étaient obligés de porter un costume (bleu foncé) avec une cravate (rouge de préférence), bien que la coexistence fût libre entre les étudiants des deux sexes.

Dans ce pays morose qu’était le Portugal, les étudiants et aussi les élèves des dernières années du lycée, à travers leurs associations, cherchaient à acquérir davantage de liberté et plus d’informations. D’autre part, les guerres coloniales avaient commencé – la guerre débuta en Angola en 1961, en Guinée en 1963 et au Mozambique en 1964 – et comme les futurs conscrits bénéficiaient d’un sursis pendant qu’ils poursuivaient leurs études universitaires, ils essayaient autant que possible de rester à la fac, car la fin des études ou des échecs successifs impliquaient une incorporation militaire immédiate et le départ consécutif pour les guerres coloniales. La solution alternative était de fuir clandestinement à l’étranger.

Lors d’une réunion générale des étudiants de l’Institut technique supérieur, au début de décembre 1968, les participants décidèrent d’organiser un pique-nique dans l’atrium du Pavillon central de l’Institut pour protester contre l’augmentation du prix des repas, et exiger des subventions pour la cantine. Lorsque le directeur de l’Institut essaya d’empêcher les étudiants d’entrer dans le Pavillon central, certains y pénétrèrent en passant par la fenêtre de la «salle des étudiantes». Résultat, celle-ci fut supprimée.

Dans ces salles qui leur étaient réservées, et dont l’accès était totalement interdit à leurs collègues masculins, les étudiantes étudiaient, mangeaient leurs en-cas et se pomponnaient face aux nombreux miroirs qui les entouraient. Garçons et filles de l’Institut technique supérieur décidèrent que cette salle devait accueillir les deux sexes. En France aussi, à l’université de Nanterre, en 1968, les dortoirs des filles avaient été envahis par le Mouvement du 22 mars. Nous prîmes une décision similaire et l’appliquâmes le 4 décembre 1968. Le conseil d’administration de l’association comptait seulement quelques filles et peu d’entre elles participaient à son fonctionnement. Les étudiantes utilisaient l’Association principalement pour les repas et autres services et très peu d’entre elles restaient le soir pour assister aux réunions ou collaborer aux autres tâches de l’association. Ces rares jeunes femmes actives eurent l’épineuse mission d’essayer de convaincre leurs collègues de la nécessité d’ouvrir la « salle des étudiantes » aux membres de l’autre sexe. Ce ne fut pas facile et nous eûmes du mal à trouver les bons arguments, mais nous avons réussi ! La salle fut désormais utilisée par tout le monde et ensuite transférée aux services de secrétariat de l’université. Notre intention n’était pas tant d’utiliser cette petite pièce que d’organiser un acte symbolique qui attirerait l’attention sur les problèmes des femmes. A l’entrée de la salle, nous avions placé une banderole qui proclamait : «Vive la révolution sexuelle !»

Ces révoltes conduisirent à d’autres transformations, sans que jamais nous ne revenions en arrière. Les filles imposèrent les pantalons comme une tenue normale et les garçons ne portèrent plus ni costume ni cravate et commencèrent à suivre les cours, vêtus comme ils le souhaitaient, même si la discrétion et les couleurs sombres dominaient à cette époque.

Suite à ces mouvements étudiants, une proposition de grève fut approuvée à partir du 9 décembre 1968. La PIDE organisa une descente dans les locaux de l’association des étudiants le 7 décembre et l’Institut technique resta fermé jusqu’en janvier 1969. Le gouvernement justifia ces mesures répressives dans une note non officielle publiée le lendemain dans la presse, qui dénonçait «l’infiltration d’un groupe d’agitateurs dans les associations d’étudiants […] Le même jour, les portes des locaux privés des étudiantes ont été forcées, car certains prétendaient que ces locaux, qui abritent aussi les services de santé, provoquaient une “discrimination sexuelle”».

Dès lors, le mouvement étudiant ne cessa de croître dans les universités et les lycées, et put se développer parce que les jeunes contestataires, garçons et filles, avaient appris à être ensemble, à se battre ensemble, à vivre ensemble. Telles furent les conséquences profondes des «sections de convivialité» dans les associations d’étudiants et de la fin de la «salle des étudiantes» à l’Institut technique supérieur. Les répercussions de ce mouvement ne se limitèrent pas aux établissements scolaires. En plus d’exacerber le climat général d’insatisfaction, les jeunes quittèrent les universités pour faire leur service militaire. Ils contribuèrent ainsi de manière décisive à renforcer l’opposition aux 5guerres coloniales et apportèrent leur contribution au mouvement au sein de l’armée qui mit fin au fascisme le 25 avril 1974.

Epilogue

Il y a quelques années, nous avons retrouvé à Londres une ancienne camarade qui s’était installée dans cette ville. Féministe militante, elle nous a raconté avec enthousiasme une lutte victorieuse qu’elle avait menée récemment avec son groupe pour que l’une des piscines municipales soit réservée aux femmes. Nous avons tous les deux échangé un regard nostalgique. Quelques décennies après que la gauche eut créé des «sections de convivialité» et ouvert les portes d’une «salle d’étudiantes» aux garçons, une autre gauche se fixe désormais pour objectif d’enfermer à nouveau les femmes dans des
espaces exclusifs.

Est-ce le destin de la gauche, de renverser les apartheids imposés par les autres, pour ensuite construire elle-même des apartheids similaires ?

Notes

[1] «Les étudiantesétaient considérées comme subalternes dans le milieu étudiant, et ne constituaient qu’une mince minorité même si leur nombre était en constante augmentation pendant les années 1950 et au début des années 1960. Miguel Cardina explique qu’en 1950-1951, sur 3220 étudiants, il y avait 941 femmes; elles étaient 1377 en 1954-55 sur 4032 étudiants. Finalement, leur nombre augmentant, elles ne représentaient même pas un tiers des étudiants.» Cf. la série de trois articles sur le mouvement étudiant portugais, d’Alexandre Laranjeiro, https://mercoeur.wordpress.com/2018/04/21/dossier-les-mouvements-etudiants-portugais-face-a-letat-nouveau-des-protestations-a-la-crise-1-3

[2] «En février 1962, le gouvernement de Salazar interdit la tenue du “Jour de l’étudiant” le 24 mars, ce qui provoqua un tollé général dans les universités du pays. Des grèves se déclenchèrent dans la plupart des facultés jusqu’à la période des examens. Ces grèves furent marquées par l’adhésion massive des étudiants et le soutien d’un nombre considérable de professeurs. A Lisbonne, des étudiants prirent d’assaut et occupèrent le réfectoire. […] Le 24 mars, la police chargea les étudiants à l’intérieur même des universités. En réaction, les étudiants de Lisbonne et de Coimbra proclamèrent un “deuil académique”. […] le mouvement étudiant atteignit son apogée les 10 et 11 mai 1962 quand les forces de sécurité prirent d’assaut le local de l’Association Académique de Coimbra, un des centres névralgiques de la lutte étudiante et symbole de l’irrévérence vis-à-vis du régime. […] Les étudiants […] occupèrent alors, avec des professeurs, la cantine de la Cité Universitaire à Lisbonne. Les protestations de 1962, marquées par les différentes grèves et les confrontations physiques avec la police, atteignirent leur paroxysme quand le gouvernement décida d’envoyer la “Policia de Choque” (sorte de corps d’élite de maintien de l’ordre qui existe toujours au Portugal) et la Police internationale et de sureté de l’Etat dans les universités. Cette dernière arrêta alors aléatoirement de nombreux étudiants et professeurs. Certains furent renvoyés de l’enseignement supérieur, d’autres arrêtés et certains même intégrés de force à l’armée et envoyés dans les territoires en guerre à l’époque, notamment en Angola.» Alexandre Laranjeiro, op.cit.

[3] «En 1973, plus d’un tiers des prisonniers politiques au Portugal étaient des étudiants. Lemouvement étudiant était donc, à la fin du régime, la catégorie sociale la plus touchée par la répression, alors même que, dans la société portugaise d’alors, cette catégorie sociale était très peu conséquente.». Alexandre Laranjeiro, op.cit.

[4] Pedro Ramos de Almeida (1932-2012): membre du Mouvement d’unité démocratique de la jeunesse (rassemblant catholiques, sociaux-démocrates et staliniens), il fut arrêté en 1954, torturé et condamné à quatre ans de prison. Etudiant en droit, il fut l’un des dirigeants de la lutte des trois universités (Lisbonne, Porto et Coimbra), en 1960, contre le décret-loi qui visait à contrôler l’activité des associations d’étudiants. Pour échapper à la prison, il partit en exil en 1961, occupant des responsabilités importantes au Parti communiste portugais, et revint au pays dix ans plus tard. Après la «révolution des œillets» de 1974, il continua sa carrière politique au sein du Parti communiste (NdT).

 

1 COMENTÁRIO

  1. Pois é, Rita, sou contra o vagão rosa no metrô do Rio (exclusivo para mulheres), mas, ao voltar do trabalho onde sou explorada por várias horas, faço uso dele sem culpa na consciência.

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